À compter d’aujourd’hui, l’ONEM rend pratiquement impossible aux artistes de prouver leur « statut ». L’hiver est clairement à nos portes. L’ONEM a commis une nouvelle note interprétative sur le « statut d’artiste », c’est-à-dire les règles pour les artistes en matière d’accès au chômage. L’interprétation encore plus stricte de la rémunération à la tâche a des effets négatifs pour tous les artistes.
À compter d’aujourd’hui, l’ONEM rend pratiquement impossible aux artistes de prouver leur « statut ». Comment cela ? Et bien, la nouvelle version du document RIODOC 140424 (la note interprétative de l’ONEM sur la réglementation du chômage pour les artistes et techniciens du secteur artistique, publiée le 3 octobre 2017 et qui compte entre-temps 190 pages) rend toute rémunération à la tâche pratiquement impossible.
Bref rappel
Les artistes rémunérés à la tâche ont droit à un mode de calcul adapté pour leur admissibilité au chômage. C’est ce qu’on appelle le calcul du cachet.
Celui-ci permet aux artistes de prouver sur la base de leur rémunération – et donc de leur contribution au système social – le nombre de jours leur donnant droit à des allocations de chômage.
Tout d’abord, sans ce mode de calcul adapté, il est pratiquement impossible pour les nouveaux venus d’avoir accès au statut d’artiste. Car l’inconvénient dans le secteur est que l’on doit travailler par projet : il est très rare que des artistes soient employés à titre permanent, étant donné que la pratique habituelle consiste à engager un artiste pour un projet déterminé.
Ensuite, l’artiste peut aussi de cette manière plus facilement apporter les preuves nécessaires pour la neutralisation des périodes d’indemnisation (que l’on appelle erronément « avantage » ou « statut d’artiste »). L’inconvénient causé par le travail par projet dans le secteur se voit ainsi neutralisé.
Le retour en première période d’indemnisation et le fait de pouvoir refuser un emploi non artistique peuvent être attestés (un peu plus facilement) grâce à ce calcul du cachet. Or, ce dernier avait été adopté par le législateur précisément en raison du mode de travail habituel dans le secteur, à savoir par projet ou à la tâche...
Le calcul du cachet, c’est quoi ?
Au lieu de devoir prouver par exemple 312 journées de travail (admissibilité pour les moins de 36 ans) ou 156 jours (neutralisation, retour, protection contre les offres d’emploi non artistiques), on peut diviser la rémunération brute à la tâche par 60,10 pour prouver le nombre de jours de travail. Cette règle est donc adaptée au secteur pour permettre à de nombreux artistes de prouver quand même leur admissibilité, leur droit à la neutralisation, etc.
La définition légale de rémunération à la tâche (A.M. du 7/02/2014) est : « Pour l’application de l’alinéa 1er, il faut entendre par rémunération à la tâche, le salaire versé par un employeur au travailleur qui a effectué une activité artistique lorsqu’il n’y a pas de lien direct entre ce salaire et le nombre d’heures de travail comprises dans cette activité. »
L’ONEM voit les choses autrement
L’ONEM fait un raisonnement pour le moins bizarre. Il considère que, à partir du moment où il existe une référence à des heures de travail dans une CCT, il ne peut être question de rémunération à la tâche. Il est exact que toute CCT fait d’une manière ou d’une autre référence à un temps de travail. Doit-on en conclure que la rémunération à la tâche est exclue ?
Ce serait nier la réalité du secteur. Dans la pratique, il n’existe pourtant pas de distinction entre la rémunération à la tâche ou par unité de temps (heure, semaine, mois...). Pratiquement tous les contrats de free-lance sont en réalité des missions pour l’accomplissement d’une tâche déterminée, bien que la rémunération ne s’effectue pas forcément par unité de temps.
Par ailleurs, l’ONEM fait entièrement abstraction de la volonté de deux parties qualifiées qui ont conclu un contrat et qui se sont notamment mises d’accord sur la nature et l’organisation du travail à accomplir.
L’ONEM donne également une interprétation de la notion de « rémunération de service » dans la CCT du spectacle vivant.
D’ailleurs, qui détermine ce lien (fictif ou non) entre les heures, la CCT et le contrat ? Bien deviné : selon cette note, c’est l’ONEM elle-même. On appelle cela être juge et partie.
L’interprétation donnée par l’ONEM n’est pas seulement incorrecte, on est aussi en droit de se demander si elle respecte l’intention du législateur. Répétons-le encore une fois : les notions de rémunération à la tâche et de calcul du cachet ont été adoptées par le législateur précisément pour tenir compte de la façon de travailler dans le secteur (à savoir par projet et à la tâche).
Un problème pour tous les artistes
L’interprétation restrictive de ce qui est ou n’est pas une rémunération à la tâche est tout d’abord très négative pour les artistes qui ne bénéficient pas encore du « statut » : Cela devient difficile de prouver le nombre de jours requis pour les artistes qui travaillent dans un secteur où le travail par projet prédomine !
C’est ensuite également très négatif pour ceux qui bénéficient déjà du statut : sans cachet, il est très difficile de pouvoir justifier les 156 jours requis lorsqu’on se voit offrir un emploi non artistique ! Or, ce sont précisément ces 156 jours qui constituent l’unique protection contre des emplois tout à fait inappropriés comme celui de clarckiste (cariste), pour mentionner un dossier réel...
Un C4, donc pas de rémunération à la tâche ?
L’on crée ici le même type de problème que pour une autre anomalie récente : l’existence d’une obligation de mentionner une unité de temps en cas de C4. En conclure, comme ose le faire l’ONEM, qu’une activité n’était pas une rémunération à la tâche en raison d’une obligation imposée par une autre réglementation est pour le moins bizarre. Bienvenue dans le monde de catch-22...
À ce sujet, l’ONEM indique pourtant dans sa note interprétative : « Quelles que soient les données de la DmfA, vous devez donc vérifier à l’aide du contrat de travail et de la CCT applicable s’il s’agit bel et bien d’une rémunération à la tâche. » L’ONEM appliquerait-elle donc arbitrairement ce qu’elle prescrit elle-même ?
Le problème se limite-t-il à l’ONEM ? Il est frappant de voir qu’une note de la CGSP écrivait des choses similaires en 2014. Nous craignons que les auteurs de cette note n’aient pas été suffisamment conscients à l’époque des conséquences négatives pour les artistes.
La solution ?
L’unique solution pour pouvoir encore être rémunéré à la tâche est de le faire par le biais du visa artiste en application de l’article 1bis. Et ce, parce qu’il n’y a là aucune discussion sur ce qui est ou n’est pas une rémunération à la tâche.
Une solution bis ?
En concertation avec d’autres acteurs « de bonne volonté », ArtistsUnited met tout en œuvre pour que la rémunération à la tâche puisse continuer à s’appliquer à tous les artistes.
Un dossier à suivre attentivement.
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